Une semaine à Burning Man : déceptions, lâcher-prise et réflexions philosophiques...

Par Mathieu FLORENTINTeam TDMLe 16 11 2014

Depuis longtemps, écrire et raconter ma version du Burning Man me trottait dans la tête mais je ne savais pas trop par où commencer car dans l’ensemble, le festival m’a plus déstabilisé qu’émerveillé…

Avant toute chose, mettons les choses au clair : PERSONNE, je le répète, PERSONNE ne vit ce festival de la même manière. Donc, quoi que je dise, cela n’est probablement pas valable pour tous ceux qui sont passés par cette nouvelle « Mecque » de la rave party métissée de hippies et de vieux ricains barbus, et qui attire depuis peu « bros » et mecs archi-blindés de la Silicon Valley…

Mais commençons: le Burning Man, c’est quoi ?

La plupart des gens qui en ont entendu parler en France (hormis les vieux Burners français de la vieille) mentionnent à chaque fois:

– Malcolm, la série

– L’émission « J’irai dormir chez vous » version « Homme qui brûle »

Pour ma part, j’ai découvert le concept en 2006, en lisant l’ « Echo des Savannes »… Un des articles parlait d’un endroit dans le désert du Nevada où des américains venaient avec tout ce dont ils avaient besoin pour survivre et, une fois sur place, plus aucune règle ne prévalait… la Liberté avec un L majuscule en quelque sorte !

Mon côté utopiste avait alors frémi, mais à l’époque c’était une organisation un peu difficile (comptez 2500 euros, billet inclus pour tout organiser).

En résumé, le Burning Man c’est une utopie en forme de festival ! Des gens viennent du monde entier dans un désert vide. Complètement VIDE ! Ils amènent tout ce dont ils ont besoin pour survivre, car une fois sur place, on ne repart pas (enfin, si on veut perdre du temps, payer 20 dollars, aller à Reno qui est à deux heures de route, faire ses courses et revenir… Bref on peut mais ça vaut pas le coup). Une fois sur place, les règles n’existent (presque) plus: on fait CE QU’ON VEUT !

La fête, de la méditation, on peut assister à des séminaires TEDX, faire de la capoeira… Il n’y a pas d’artiste embauché exprès pour l’occasion (à l’inverse d’autres festivals): chacun vient avec sa dose de bonne humeur et de créativité et organise ce qu’il veut.

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Quelques principes quand même : savoir vivre, l’entraide, « leave no trace » (car oui, à la fin le site doit être le même qu’à l’arrivée… et ce depuis presque 30 ans), vivre l’instant présent, partager… D’ailleurs si ça vous intéresse, retrouvez les « 10 principes »  du Burning Man ici.

Parmi les grands moments du festival: le samedi, on brûle le Burning Man, qui change tous les ans mais le concept reste le même. Une équipe construit un homme géant en bois pendant un mois et on le brûle dans la joie et la bonne humeur à la fin de la semaine… La dernière fête peut alors commencer !

Il y a aussi le temple: un énorme sanctuaire de bois, ou chacun peut venir déposer ce qu’il veut pour tourner la page. J’y ai posé des reliques de mon ancienne vie, certains posent la photo d’un proche décédé… Le dimanche, on brûle le temple dans une ambiance beaucoup plus cérémonielle.

Et pour éclaircir la suite de l’article, cette année a été mis en place le projet du « Souk »: des tentes installées autour de la statue du Burning Man, où les équipes des différentes régions proposent un atelier. Par exemple, l’équipe japonaise avait installé un atelier autour de la calligraphie…

Si l’on veut venir seul, on peut rejoindre des camps, soit celui d’amis, soit ceux organisés par d’autres personnes. On cotise une certaine somme, variable selon les camps, et en général on peut profiter d’une infrastructure et de réserves d’eau et de nourriture pour tout le monde. En retour, on doit participer à la vie du camp…

Les prémisses:

Avant de tenter cette aventure hors du commun, je m’étais déjà rendu deux fois dans des Burns régionaux, plus petits et intimistes…

J’y avais pris une grosse claque: trop d’amour, trop de liberté, des soirées de folies et PAS UNE SEULE dispute pendant une semaine. A la fin, j’avais l’impression d’être en famille !

En 2014, cette année devait donc être celle de mon Burning Man ! Depuis Vilnius où je résidais alors, je contacte les burners lituaniens, deviens ami avec eux et décide de les y rejoindre.

J’arrive le 12 aout à San Francisco, le 17 à Reno, travaille nuit et jour sur notre projet de camp jusqu’au 21, et je me fais déposer dans le patelin le plus proche pour entrer sur le site 3 jours avant l’ouverture du festival. Après avoir attendu mon ami qui n’est finalement jamais arrivé, et après avoir fait du stop, nous arrivons sur le site.

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Premier choc : c’est immense ! Bien plus grand que mes petits burns de 1000 personnes. C’est I-M-M-E-N-S-E !

En arrivant sur le camp, j’ai vite compris pourquoi je ne trouvais pas mon ami : nous étions à l’aéroport de Black Rock City, grosso modo à 45 minutes de marche du centre du site. J’avais acheté un vélo sur les conseils de mes amis, c’était définitivement une bonne idée…

Du vendredi au dimanche, nous essayons mes amis et moi d’organiser notre projet mais rien n’est vraiment construit, et l’équipe chargée de construire le « man » est en retard… Le projet en question, est un atelier/jeu reposant sur un conte lituanien. Une idée sympa au départ mais en pratique c’était un vrai bordel !

Lundi: Ouverture du Festival et du Souk

Finalement, le Souk ouvre à 17h. Je suis seul à l’intérieur, mes amis pensant que l’on ouvrirait à 18h… Avalanche de monde, on essaie de gérer, tout le monde fait la fête… Et j’ai la voix cassée après 2h de jeu.

Finalement je file profiter de la fête et de ce que le Festival a à nous offrir…

Mardi: Volontariat

Jusqu’à 14h c’est moi qui gère notre camp. Petite pause atelier de capoeira entre amis avant de retourner sur le camp faire une pré-soirée avant de profiter (enfin) de mon premier soir sans avoir à bosser le lendemain.

Mercredi: Volontariat once again

Je reste au camp toute la journée à bosser…

Jeudi: Début des désillusions…

Ce jour là, j’ai le sentiment d’avoir perdu une journée, même si je me suis bien amusé en essayant d’en profiter malgré tout un maximum.

Le vendredi: La désillusion

Je reste au camp, isolé, à fumer des clopes et à boire du café… rien ne se passe comme je l’avais espéré… Ici dans ce désert immense, je n’arrive pas à communiquer avec les gens à l’inverse de mes petits festivals d’antan. Le Burning Man, c’est pas si fun en fin de compte…
Après deux heures de pure négativité, je décide de lâcher prise et de prendre l’expérience comme elle est après tout ! C’est d’ailleurs l’intérêt du Burning Man : « No expectations », pas d’attentes !

On est toujours un peu déçu quand on espère trop, le Burning Man sera au moins est une bonne leçon de vie sur ce point !

Les trois derniers jours se passent vraiment bien : manifestation anti-fermeture du Souk avec les autres camps, soirée sur un art car (un camion de deux étages qui fait aussi sound-system).

Samedi: On brûle « Monsieur »

Le show commence: feux d’artifices et grosse flambée. La soirée tourne à l’épique (tous les art cars sont de sortie pour l’occasion). Lors de cette soirée, nous avons pu assister à un moment de pure magie: les cendres du Man projetées dans le ciel par le vent, et virevoltant comme de la neige. Un moment un peu magique hors du temps qui ne semblait pas vouloir s’arrêter et qui m’a fasciné au plus haut point…

Dimanche: On brûle le temple

Moment solennel. C’est probablement la partie la plus émouvante du festival : tout le monde se tait et observe en se recueillant. Enfin, presque tout le monde…
L’instant et la cérémonie sont très belles. Voir tous ces souvenirs brûler, comme pour passer à autre chose est un grand moment !

Lundi: Le départ

On me ramène à San Francisco en avion où je resterai encore une semaine de plus.

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Mais comment résumer tout ça au final ?! C’est à peu près aussi confus et difficile que de vouloir résumer un an de voyages autour du Monde. Mais si je synthétise mon expérience en quelques points, ça donne ça:

– Le Burning Man, c’est génial, et même en y étant allé une fois seulement, je sais, par comparaison et discussions avec beaucoup d’anciens burners que « ce n’est malheureusement plus comme avant » : beaucoup de monde (trop de monde), certains ne comprenant pas la philosophie du partage et d’autosuffisance qui sont censées être à l’origine du festival. On est passé de la communauté au sens stricte à la société, avec ses bons et ses mauvais côtés.

– Est-ce que ça vaut toujours le coup? Oui. D’ailleurs je vais tout faire pour y retourner l’année prochaine.

– C’est une expérience plus individuelle que prévue finalement, et chacun la vit différemment… Mais pour ma part même si ça ne s’est pas toujours bien passé, j’ai envie d’y retourner.

– C’est grand, et même en y allant à fond je doute qu’on puisse voir plus d’un tiers du festival.

– C’est une bonne école du « lâcher-prise ». En gros, plus vous aurez d’attentes, moins vous profiterez, et vice versa.

– Si vous aimez l’art, arrêtez de fréquenter votre faculté et utilisez les frais de scolarité pour aller voir ce qui se passe là-bas. Vous en saurez plus que vos profs à la fin de la semaine.

– Et même si l’on ne peut pas tout raconter en quelques lignes, ce qui me touche le plus dans cette expérience, c’est de savoir que partout dans le Monde, on peut vivre à plusieurs une expérience similaire, avec de légères différences de climat, de cultures, d’intérêts, d’art… Il suffit de chercher ;)

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See you next burn.

 

Photo de Mathieu Florentin pour TDM.

A propos de l'auteur

Cet article a été proposé par Mathieu FLORENTIN, 35 ans

Après un semestre d'études au Canada, et une phase de "point mort", je suis parti comme beaucoup en Australie pour prendre le temps de me poser et voyager. Je suis revenu en France 11 mois plus tard, non sans avoir fait un crochet en Asie (Thaïlande et Laos). La tête pleine de souvenirs, j'ai décidé d'être prof de français à l'étranger, histoire d'avoir possibilité de voyager en travaillant, ou de travailler en voyageant (on se comprend). Guitariste, grand lecteur, j'aime le yoga, transpirer (comprendre comme on veut) et découvrir ce qui - si possible - n'est pas encore trop connu de tout le monde. C'est pourquoi après le Québec et l'Australie, j'ai eu envie de découvrir un pays moins touristique : la Lituanie. Parti pour un tour d'Amérique Latine pendant un an... Des articles à venir ! Nouveau projet : retourner à Burning Man avant la France et de retour utiliser mes expériences pour travailler dans les écoles alternatives, celles qui correspondent à mon mode de vie et mes idées décalées et créatives.
Mathieu FLORENTIN, 17 voyages et 16 pays au compteur, a signé 11 articles sur TDM.
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